Dans la nuit de [S54D20]
Le lendemain soir, après qu’Alkmene ait apprit à communiquer avec les Élémentals d’Air, Hyrkali l’approche pour faire une sortie qui lui fait envie depuis leur entrée dans Orion, soit de grimper au sommet d’un de ces pic rocheux!
Note de la rédaction, pour le contexte.
Alors que Murmure, la monture d’Hyrkali, prenait de la vitesse sur la paroi verticale et qu’Alkmene se cramponnait solidement, la brume continua de se maintenir à distance. Tout autour d’elles, des Élémentals d’Air semblaient nager pour les accompagner, voletant à la limite de la brume en tournoyant, à tel point que leur perspective changea presque… comme si elles chevauchaient sur un pont de pierre dans un tunnel de brouillard.
Ce pont vers le ciel n’était toutefois pas composé que de pierre. Partout où se posait les appendices de Murmure l’on distinguait de la végétation. Beaucoup de végétation. Petits buissons et arbustes, lichens et champignons, fleurs et mousses de toutes sortes et variétés se disputaient la surface du roc, chaque plante étant constamment alimentée en eau par la brume omniprésente. Cette guerre territoriale menée à l’échelle des décennies ne faisait ni victimes ni vainqueurs. Au contraire, elle rendait plutôt magnifique les surfaces normalement masquées par la brume, spectacle invisible, exclusivement offert aux Élémentals d’Air.
- C’est merveilleux, s’écria Alkmene tout en laissant une de ses mains planer au-dessus des plantes.
- Tu as bien raison, répondit Hyrkali, tout aussi émue.
Elles continuèrent ainsi pendant plusieurs minutes jusqu’à ce que soudainement les nuages de brumes se déchirent devant elles révélant le ciel nocturne étoilé, la lune éblouissante répandant sa lumière sur la montagne qu’elles grimpaient, celle-ci prenant subitement l’apparence d’un quai s’étirant dans un océan noir.
Arrivant au sommet, Murmure ralentit et posa ses deux massives tentacules sur un espace dégagé, ramenant ses cavalières dans le sens habituel de la gravité. Elles descendirent, posant les pieds sur ce plateaux rocheux, totalement lisse, débarrassé du moindre grain de poussière par le vent constant qui souffle à cette altitude. Jamais personne n’avait posé le pied sur ce plateau situé à plus de 1000 ft au-dessus du sol et le spectacle se délitant tout autour les laissèrent pantois.
Aussi loin que l’œil pouvait voir, un plancher blanc comme neige s’étandait, se mouvant comme des vagues ballotés par un perpétuel vent tiède et goûtant légèrement le sel. Ces rouleaux de nuages reflétant la clarté de la lune laissaient parfois entrevoir des Élémentals d’Air, comme s’ils se laissaient flotter sur cette surface houleuse.
Vers l’est, la chaîne de montagne séparant les terres de l’Air de celle de l’Empire se dressait tel un discret parapet. Bien moins discret au sud-ouest, se détachait sur le ciel d’encre moucheté la titanesque montagne d’Orion, écrasant de sa taille les quelques pics et plateaux-villages que les deux grimpeuses pouvaient apercevoir.
Haut de plusieurs milliers de pieds, cette structure défiait l’entendement. Divisée en trois parties distinctes flottant les unes par-dessus les autres, elle était séparée d’un grand espace vide, comme si même la gravité se soumettait aux caprices de ce roc. Même à plusieurs jours de voyage et de nuit, l’on pouvait percevoir le miroitement des cascades d’eau dévalant le second niveau vers le premier niveau, traversant un grand espace vide entre les deux, les liant par des colonnes d’eau avant de s’enfoncer dans les brumes, seul rappel que les forces de la nature s’appliquaient toujours. Autour du second niveau, vers sa base et juste après la séparation d’avec le niveau supérieur, les deux demi-elfes purent distinguer un large anneau éclairé brillant tel une galaxie lointaine, la capitale Orion.
Elles auraient peut-être pu distinguer la verdure qui est réputée pour recouvrir le second niveau de jour mais de nuit même la forme des arbres et des gigantesques racines se confondaient avec le roc, n’enlevant rien au caractère grandiose de la montagne.
Là, sur cet îlot de roc improbable au milieu d’une mer vaporeuse, Hyrkali s’assit en s’adossant à Murmure pour contempler le paysage. Alkmene récupéra une pierre d’un renfoncement naturel près du bord, s’installa confortablement sur le ventre et la laissa tomber dans le vide. Elle disparu bien rapidement dans la brume. Elle l’entendit frapper contre la paroi à quelques reprises mais elle n’entendit pas la conclusion de la chute, la distance étant trop grande. Il y aurait sûrement un cratère au sol à cet endroit désormais… Un peu déçue de n’avoir pu assister à la chute jusqu’au bout, Alkmene alla examiner les plantes près de la bordures de l’étroit plateau.
Elle aperçut une étroite bande de petites fleurs d’une blancheur que la lune rendait éclatante. Poussant sur la frontière du brouillard, elle bénéficie du meilleur des deux environnements: un taux d’humidité élevé par les micro gouttelettes ainsi qu’une exposition constante à la lumière du soleil et de la lune. Alkmene s’en approchait qu’Hyrkali la retint, lui touchant simplement l’épaule d’une main invisible.
- J’éviterais d’y toucher, lança Hyrkali. C’est de la Blanche d’Os, un ingrédient extrêmement rare, avec laquelle on peut confectionner un des poisons interdits dans tout l’Empire. Mon père m’a raconté que l’effet est permanent, détruisant progressivement les systèmes immunitaires et régénérateurs du corps, menant la victime vers une mort inexorable.
- Pourrais-tu en mettre une dans une de ces fioles vides pour moi, demanda Alkmene en faisant les yeux doux. S’il te plaiiiit?
- Non, je ne t’en fournirai pas, rétorqua Hyrkali. D’abord parce que je ne veux pas que tu puisses te la faire voler. Ensuite parce que, si tu es aussi curieuse que moi, tu ne pourras pas t’empêcher de jouer avec et que ça n’en vaut pas la peine, c’est beaucoup trop dangereux… Et finalement parce que je suis quasi certaine que tu pourrais en faire apparaître à volonté de toute façon, termina Hyrkali en riant.
Alors qu’Alkmene récupérait avec la plus grande précaution quelques-uns des insectes présents près de la Blanche d’Os, évitant d’y toucher, elle se retourna ensuite pour examiner d’autres plantes exotiques.
Hyrkali sortit une dague et grava quelque chose sur le roc.
Aiguilles d’ocre sur toile d’ébène,
Transperçant respectueusement la soie vaporeuse,
Dans un ballet aérien.
Puis, inspirée par sa propre poésie, elle se mit à la danser au travers sa routine d’entraînement, le vent semblant suivre ses mouvements fluides. Alkmene n’ayant jamais réellement prêté attention à l’entraînement de son amie, elle l’observa en silence, sachant qu’elle n’en avait que pour une dizaine de minutes.
Un pic de vent glacial sembla gifler Hyrkali mais elle se courba pour en suivre la force, s’enroulant sur elle-même, l’accompagnant, le relançant dans sa trajectoire initiale. Puis un autre vint, plus chaud, sec, presque sauvage. Elle perdit ainsi l’équilibre et tomba sur ses fesses… avant d’éclater d’un rire frais et libérateur.
- Je te dirais bien de ne pas parler de cela, lança Hyrkali à l’intention de son amie, mais je ne sais même pas encore ce qui s’est passé… Et puis qui nous croirait de toute façon?
- T’inquiète, répondit Alkmene entre deux éclats de rire et tentant de reprendre sa respiration,
ton secret-ahaha…
est safe-ahaha…
avec moi-ahaha.
Puis finissant par retrouver son souffle, se tenant les côtes, elle continua.
- Est-ce que ça va finir par causer problème? T’ES TU MALADE?? IL TE FAUT UN MASQUE?!?
- Pas d’inquiétude pour ça… rassura Hyrkali. J’ai dans l’idée que ça fait partie des secrets marchombres dont j’ai entendu parler.
Toujours assise, Hyrkali piocha dans son sac pour grignoter un morceau.
- D’abord, je m’excuse de t’avoir presque littéralement poussée dehors hier, commença Hyrkali. C’était peut-être te pousser au-delà de tes limites. Quand tu nous a rappelés pouvoir parler une langue inexistante sur le continent, je me suis demandé si ça pouvait être aussi simple!
- Aeria n’a rien dit, simplifia Alkmene. Il a juste fait ce tunnel lorsque je lui ai demandé le passage sécuritaire de moi et mes compagnons pour aller rétablir l’équilibre des élémentaux.
- J’avoue que je suis plutôt reconnaissante à Aeria, reconnut Hyrkali. Je ne le connais pas mais j’aime le vent… je pense que c’est évident!
- Je pense que pour aider Boyle, continua Alkmene, faudrait demander à l’ami de Stafro via Sending de le protéger pendant qu’on va faire diminuer Neptulus.
- Ça se tente. Après nos affaires à Orion, c’est possible qu’on passe rapidement par la Forge Arcanique tout près, avant d’aller vers Neptulus…
- Honnêtement, j’ai peur de Neptulus, admit Alkmene. Ça doit faire longtemps qu’il est sous l’emprise de l’arcane rouge, ce qui expliquerait ce qui est arrivé à ma tribu il y a 20 ans.
- Ce qui implique que, si le Book of Chaos est la source de cette Arcane Rouge, cela ferait plus de 20 ans qu’il existe un traître chez les Marchombres. Suffisamment longtemps pour reformer les Mercenaires du Chaos.
- Scary… siffla Alkmene.
- Certes, c’est effrayant, mais je pense qu’on devrait aller gérer Neptulus rapidement. Si on le laisse faire, il va dominer sur tous les éléments et devenir de plus en plus fort… Surtout si cela fait 20 ans qu’il est corrompu par l’Arcane rouge, ce qu’il pourra peut-être nous confirmer.
D’ailleurs tout à l’heure, je crois même avoir senti son froid me mordre les doigts au travers le murmure des vents.
Hyrkali lui montra ses doigts légèrement marqués par de petites engelures.
- T’en fais pas, rassura Hyrkali, ça va passer mais on a peut-être intérêt à le raisonner rapidement.
- Crois-tu que je pourrais raisonner avec Neptulus, hasarda Alkmene, étant donné son état?
- Tu vas avoir l’occasion d’essayer, répondit Hyrkali ça c’est certain. Il faudra que tu sois convaincante. Et s’il n’écoute pas, il restera toujours la manière forte.
- Enfin bref, merci de m’avoir poussée… remercia Alkmene. Autrement on en serait pas là où l’on en est!
Une fois leur collation terminée, Hyrkali s’étira en contemplant le ciel.
- Il se fait tard, dit Hyrkali en étouffant un bâillement tout en renvoyant Murmure dans son cristal, ce qui ne manqua pas de faire sourciller Alkmene. On va devoir redescendre et j’ai l’intention de le faire très rapidement. Est-ce que tu me fais confiance?
- Oui, répondit simplement Alkmene.
- Dans ce cas… souffla Hyrkali avec un sourire presque sinistre, allons-y! Tiens-toi quand même prête à prendre la forme d’un Élémental d’Air!
Prenant leur élan, Hyrkali prit la main d’Alkmene et elles s’élancèrent dans le vide. Alkmene se cramponna à Hyrkali, les yeux fermés. Prenant de la distance d’avec la paroi verticale, la brume s’écartant violemment sur leur passage pendant leur chute vertigineuse, dégageant une visibilité à couper le souffle sur plus de 500 ft à la ronde!
- Tu devrais ouvrir les yeux! C’est magnifique, dit Hyrkali dans la tête d’Alkmene, et je vois les arbres approcher!
Pendant ce temps, au niveau du sol, Tooth aidait Yasurah lors de la première veille. Le familier d’Andrius attendait à l’extérieur des portes de l’abri légèrement entrouvertes, suffisamment pour qu’un pantin ne puisse pas passer. Et puis, les deux demi-elfes étaient sorties depuis une heure environ et elles ne devraient plus tarder. Tooth fut donc le premier à émettre un petit cri discret que Yasurah entendit. Elle jeta furtivement un œil à l’extérieur pour s’assurer que rien de dangereux n’approchait.
Elle vit alors que la brume était totalement absente sur plusieurs centaines de pieds, comme si Alkmene se serait déplacée à très grande vitesse… ce qui était peut-être le cas. Franchissant le seuil des portes, son oreille attentive percevant le claquement de capes dans le vent, elle regarda vers le ciel et vit un espèce de grand dôme de brume se rapprocher rapidement vers le sol, comme un couvercle qu’on jetterait sur une marmite, deux demi-elfes en chute libre en son centre. Alors qu’elles atteignaient la hauteur de la cime des arbres, l’inquiétude commençant à envahir son cœur, les brumes recouvrirent brutalement et sauvagement le sol, se reformant tout autour, offrant un Feather Fall quasi providentiel aux deux demi-elfes. Toutes deux se posèrent au sol avec la douceur d’une feuille d’automne.
Les cheveux en bataille, les fossettes douloureuses d’avoir autant souri et les yeux brillants, elles entrèrent dans l’abri pour la nuit.
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